Les compas spécifiques à certains métiers

 

Dans cette rubrique, nous allons vous présenter certains compas particuliers dont l'usage est bien souvent réservé à des professions précises.

 

Compas d'appareilleur

 

Dans les chantiers d'ouvrages traditionnels en pierre, le rôle de l'appareilleur se situait entre celui des carriers d'une part, et des tailleurs de pierre d'autre part.

L'appareilleur était chargé de la réalisation des épures à l'échelle de l'appareillage selon la commande passée. Il devait ensuite en tirer un dessin grandeur nature qu'il rapportait sur des gabarits à l'aide d'un compas. Ces panneaux ou profils servaient ensuite au traçage des pierres à tailler.

 

 

Ces compas, en fer forgé, portaient, parfois, en tête, un trait de scie qui servait de repère quand ils étaient ouverts à 90 degrés, ils pouvaient alors être utilisés comme équerre.

 

Compas de charpentier

 

Ceux en fer forgé s'apparentent beaucoup aux précédents, mais beaucoup sont en bois, souvent fabriqués par l'artisan ou par un apprenti pour montrer son savoir faire.

 

Modèle à charnière 3-2, en bois, acier forgé pour ses pointes qui en font une arme redoutable, et laiton (hauteur : 87 cm).

 

Magnifique compas de compagnon charpentier de 66 cm, tout en acier. Quand elles sont jointes, ses jambes font apparaître un pique et un trèfle, alors que le flasque du rivet nous suggère un cœur à l'intérieur de la fleur de lys et un carreau autour du rivet.

Ces quatre atouts ne semblent pas, d'après les spécialistes du Compagnonnage interrogés, avoir une valeur symbolique particulière et malgré leur présence assez souvent constatée, ils ne seraient que des éléments décoratifs.

 

 

Une face de la branche porte une inscription très intéressante, mais malheureusement légèrement effacée par l'usure et le temps : "Jésus Maria Joseph". Ces trois mots constituaient, avant la Révolution de 1789, la devise des Compagnons passants charpentiers du Devoir.

 

 

Compas de tonnelier

Fabriquer des tonneaux, objet circulaire par excellence, implique d'utiliser un compas pour tracer le pourtour des fonds, mais aussi pour déterminer leur rayon. Pour cela l'artisan utilise un compas classique à pointes sèches, mais aussi, et ceci est du passé, un compas particulier nommé "compas bourguignon" dont seules les pointes étaient en métal.

Ces deux modèles proviennent du Bordelais, ils sont fabriqués en frêne pour la partie arquée et en buis pour la double vis horizontale aux pas inversés qui permet de régler l’écartement des pointes en acier forgé ; le plus petit d’entre eux est rare compte tenu de sa petite taille (hauteur : 30,5 cm et 22 cm).

Ce compas à verge de fabrication artisanale, en noyer, équipé d'un rabot à une extrémité (longueur : 70 cm) permettait d'amincir les bords des fonds de tonneaux afin qu’ils s’insèrent dans le jable (rainure) pratiqué à chaque extrémité des douelles.

 

Compas de charron

 

Le charron avait, lui aussi l'occasion d'utiliser le compas lors de la fabrication des jantes des roues. Il se servait, le plus souvent, d'un compas à verge classique ou d'un modèle comme celui-ci.

 

De fabrication artisanale, ce compas à verge, en chêne, d'une longueur de 107 cm, a la particularité de posséder des poupées de 30 cm de haut, ce qui permet d'introduire la poupée fixe à l'intérieur du moyeu d’une roue et de le traverser. Sa poupée mobile est pourvue d'un crayon et se bloque par une clavette.

 

Voici un compas à verge particulier fabriqué par l'artisan ou son apprenti, il mesure 100 cm de longueur, est  équipé de deux crayons pouvant se rapprocher ou s'éloigner et d'une pointe mobile sur la verge. Ce système permettait au charron de tracer deux arcs concentriques pour délimiter les éléments devant constituer la jante de la roue en bois.

 

Compas de tourneur

 

Qu'il travaille le bois le métal ou la pierre, l'artisan tourneur produit des pièces circulaires, creuses ou non. Il lui faudra, de temps à autre, vérifier le diamètre ou l'épaisseur des objets réalisés. C'est pour cela qu'il a constamment besoin de compas d'épaisseur ou d'intérieur communs à bien d'autres professions, mais il y a quelques compas moins courants qui peuvent se retrouver dans son atelier.

 

Ce compas d'épaisseur de grande taille est entièrement en acier. Sa particularité est d'avoir l'extrémité de ses jambes légèrement retournée ce qui permet à l'artisan de vérifier le diamètre sans risquer de marquer la pièce en fabrication. Sa charnière est décorée et son secteur est gradué, d'un côté, en pouces et, de l'autre, en cm ; ces deux graduations n'ayant pas été réalisées avec le même outil, il est permis d’avancer qu'il fut gradué d'abord dans l'unité ancienne puis, quand le système métrique fut rendu obligatoire, il reçut la nouvelle graduation (hauteur : 72 cm).  

 

Cet autre modèle est particulier par la forme de ses jambes, il peut ainsi atteindre des endroits de la pièce tournée qui ne pourraient l'être avec un modèle ordinaire. Il est fabriqué en acier inoxydable et mesure 17 cm de haut.

 

Le tourneur doit parfois contrôler une partie tronconique de sa pièce, ce qui l'amène à travailler sur deux diamètres différents ; il doit donc utiliser deux compas d'épaisseur ou bien, s'il en possède un, un compas double prise comme celui-ci. Ce compas en acier, de 50 cm de haut, est en fait un double compas d'épaisseur.

 

Compas de luthier

 

Le luthier confectionne des instruments de musique à cordes et à archet (violon par exemple). Des compas bien particuliers sont utilisés par celui-ci pour la facture de ces instruments.

 

Ce petit compas en forme de X, en acier poli et rivet en laiton ou en bronze, est utilisé pour vérifier l’épaisseur des tables des instruments à cordes. Celui qui est présenté ici, compte tenu de sa taille, devait être employé pour les violons.

Un modèle semblable était représenté et dénommé "compas de voûte" sur une planche de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert consacrée au métier de luthier.

 

 

Cet instrument, plus moderne, est souvent présent dans l'atelier des luthiers car il sert à mesurer, avec une précision au dixième de mm, l'épaisseur des tables de violons, en différents endroits de celles-ci et en particulier en leur milieu, grâce au dégagement de 20 cm offert par la longueur des bras (longueur totale : 23,5 cm). Le même compas sert à mesurer l'épaisseur des peaux et cuirs dans les tanneries.

 

 

 

 

Compas de sculpteur

 

Le sculpteur doit parfois reproduire une œuvre plus grande ou plus petite qu'un modèle. Il peut alors utiliser un compas de réduction qui lui permettra de multiplier ou diviser par 2, 3 4 ... les dimensions prises sur le modèle.

 

Voici un grand compas de réduction dont la hauteur atteint 101 cm, en hêtre, laiton et acier. Sa charnière mobile permet de choisir différents rapports : 0 ou ¾ ou ½ ou 1/3  ou ¼. L’une de ses branches porte une plaque sur laquelle apparaît la marque "Sennelier 3 Quai Voltaire Paris". Cette maison existe depuis 1887 et continue à vendre du matériel pour les arts plastiques.

 

Ce grand compas en acier poli et laiton était utilisé par un sculpteur sur bois. Ses pointes différentes permettent de tracer et de mesurer l’épaisseur et l’intérieur en faisant pivoter ses jambes (hauteur : 41,5 cm).

 

Compas de potier

 

Dans l'atelier du potier qui fabrique de nombreux objets circulaires, nous trouvons quelques compas qui, s'ils n'ont pas de forme particulière, sont fabriqués essentiellement en buis, ce bois au grain très fin, peu sensible à l'humidité de l'argile, contrairement au fer peu recommandé dans une telle atmosphère.

 

Compas droit en buis doté d’un écrou papillon métallique (hauteur : 31,3 cm).

 

Ensemble de quatre compas d'épaisseur en buis, avec vis papillon en laiton (hauteur : 29 cm, 20 cm, 15 cm et 12,5 cm).

 

Compas de forestier

 

Les forestiers doivent cuber les arbres avant de les abattre. Pour cela ils sont amenés à évaluer la hauteur du tronc puis à mesurer son diamètre à 1,30 m du sol, avant de déterminer son volume grâce à une table spéciale. Ils utilisent un compas qui ressemble à un grand pied à coulisse en bois ou en aluminium, ses graduations vont de cinq en cinq car la mesure ne demande pas une grande précision.  

 

Compas de forestier, encore appelé bastringue, en bois et en laiton doté d’une double graduation d’un côté de la verge pour le diamètre, de l’autre côté pour la circonférence (longueur : 119,5 cm).

 

Voici un compas original à branches fixes appelé "compas finlandais" car très utilisé dans ce pays d'où il provient. Il est utilisé, lui aussi, pour mesurer le diamètre des arbres, mais il fonctionne par visée, la partie mobile étant dans son cas virtuelle et formée par l'alignement de l'œil, de la graduation à prendre en compte et de la tangente au tronc de l'arbre ; l'instrument étant appliqué contre le tronc de façon à le toucher en deux points. Il est gradué jusqu'à 51 cm.

 

Compas d'arpenteur

 

Les arpenteurs, tout comme les jardiniers utilisaient de très grands compas assez semblables.

 

Initialement, ce compas avait été attribué, par le vendeur, au métier de jardinier. Mais ces instruments sont parfois dotés d’une poignée en forme de balustre située au dessus de la tête. Nos recherches ont permis de situer le compas présenté ici parmi les outils de l’arpenteur. Il est en bois et fer forgé. Il dispose d’une tringle métallique qui, en position oblique, lui confère une distance de 1 m entre ses pointes, et, en position horizontale, cette distance atteint 2 m (hauteur : 152 cm).

 

Compas de bourrelier ou sellier

 

Le bourrelier, grand utilisateur de cuir avait deux compas très particuliers à sa disposition.

Le premier  ressemble à un compas à pointes sèches avec quart de cercle ; mais remarquons que ses pointes sont remplacées d’une part par une lame en forme de queue de poisson dont le rôle est de suivre le bord de la pièce de cuir, alors que l’autre branche se termine par une double rainette qui sert à graver une rainure dans le cuir, parallèlement au bord et à une distance fixe déterminée par l’ouverture du compas. C’est dans cette rainure que le bourrelier effectuera une couture et ainsi le fil de celle-ci sera protégé et subira moins les frottements.

 

 

Deux compas à rainette marqués pour l’un "Blanchard" et à pointe coupante changeable, pour l’autre "Fernand Meyer" (hauteur : 13,2 cm et 14,5 cm).

 

Le deuxième compas pouvant se rencontrer dans l’atelier du bourrelier est le compas à rondelle qui permet de découper dans le cuir, le caoutchouc, le carton ou la tôle fine des disques ou des couronnes, suivant que le compas est équipé d’une ou deux lames.

 

Trois compas de marque "Bost" en acier et laiton avec poignée en bois. Deux sont équipés de deux lames. Longueurs : 45 cm, 27 cm et 18 cm.

 

Compas de cordonnier ou bottier

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Un autre métier du cuir utilisait un compas spécial, c’était le bottier ou le cordonnier, quand il fabriquait encore des chaussures sur mesure. Ce compas est une sorte de pied à coulisse en bois ou en laiton, parfois pliable pour mieux se glisser dans la trousse à outils. Avec cet instrument l’artisan mesurait la longueur du pied de son client et connaissait ainsi sa pointure. Celle-ci est une fois et demie la longueur en centimètres ; ainsi si votre pied mesure 28 cm, votre pointure est 28 + 14 (moitié de 28) = 42. Le cordonnier n’avait plus qu’à prendre une des formes de cette pointure et y monter la chaussure désirée.  Ceci est une méthode rapide et approximative comme nous le prouve un correspondant, M. Pommel Etienne qui nous a fourni une explication plus juste et basée sur la valeur des anciennes unités de mesure françaises.

La pointure 48 (la légende veut que ce soit la pointure du pied de Charlemagne) équivaut à 12 pouces, soit 1 pied de roi = 32,483 cm. Le pied de roi étant divisé en 12 pouces cela donnait 2,707 cm pour un pouce. Le point de pointure étant égal au quart du pouce français, il valait donc 2,707/4=0,677 cm. Les coefficients multiplicateurs ne sont donc pas 1,5 ou 0,666 suivant le sens de conversion, mais  plus exactement 1,478 et 0,677. Pour un pied mesurant 28 cm nous aurions donc une pointure de 28*1,478=41,38

 

 

Trois compas d’époques différentes (du XVIIIe au XXe), respectivement en ébène et laiton, en laiton, et en buis. Les deux premiers, gradués en cm, sont coulissants, le troisième, gradué en cm et point,  est repliable (longueur en position fermée : 22 cm, 20,5 cm et 23,2 cm).

 

Compas de maréchal-ferrant

 

Le maréchal-ferrant est parfois amené à utiliser un compas très spécial appelé compas d'angulosité.

 

C'est un instrument dont la base est en forme de fer à cheval, qui est posé sur le sol sous le sabot de l'animal à ferrer. Ce compas comprend, en outre, une partie mobile graduée en degrés permettant de régler l'angle des sabots avant le ferrage et de procéder à l'ajustage de la partie cornée afin d'éviter que le cheval ne boîte. Il est surtout utilisé pour ferrer les chevaux de concours hippiques.

Modèle en laiton (hauteur : 18,5 cm).

 

Compas de vitrier

 

Le verre est un matériau utilisé par de nombreux artisans qui emploient des compas le plus souvent ordinaires et classiques. Il en est un cependant, assez particulier, qui permet au vitrier de découper des disques dans une plaque de verre ou d’y faire des trous circulaires.

Il est du genre compas à verge chez qui la pointe à centrer est remplacée par une ventouse et celle à tracer par une molette pour inciser le verre. Il faut, d’après les professionnels, une bonne expérience pour exécuter un trou dans une plaque de verre sans la briser.

 

 

Modèle en laiton, avec ventouse en caoutchouc et porte molette en plastique noir (longueur : 34 cm). Sa verge est graduée de 6 cm à 64 cm, ce qui correspond au diamètre des disques pouvant être découpés.

 

Compas de chapelier

 

Le chapelier ou la modiste utilise un compas particulier pour mesurer la pointure des couvre-chefs. Celle-ci correspond à la longueur, en centimètres, du tour de tête mesuré avec un mètre de couturière.

En comprimant les deux poignées en V, on réduit sa taille au minimum, on introduit alors le compas à l’intérieur du chapeau et on relâche  la pression, la lame du tour faisant office de ressort, s’applique contre sa paroi interne et on lit sa taille sur l’arc entre les deux poignées. Il existe plusieurs modèles suivant les tailles.

 

En voici différents modèles pour toutes les tailles.

 

Compas d'horloger

 

 

L’horloger fait partie de ces artisans qui travaillent le métal. Il utilise plusieurs compas qui lui sont spécifiques. L'un d'eux se nomme huit d’horloger ou huit de chiffre en raison de sa forme.

Celui-ci est en laiton et de taille réduite comme beaucoup d’instruments et outils présents sur l’établi de cet artisan. Il sert à repérer une largeur ou une épaisseur entre le bout de ses branches ; mais celles-ci comportent un petit trou qui permet d’y loger les extrémités de l’axe d’une roue dentée, comme on en rencontre dans les horloges, pendules, réveils et montres d’avant l’ère électronique. La roue étant pincée entre les branches, l’horloger peut la faire tourner pour vérifier si elle est bien circulaire et non voilée.

 

Sur ces deux autres clichés, vous pouvez observer, un très petit compas d'épaisseur et un compas dit "à morille" avec sa pointe conique qui lui permet de se centrer sur un trou déjà existant, sa deuxième branche coulisse grâce à une vis et ainsi l'horloger peut régler très précisément le rayon.

Deux clichés montrant un compas aux pignons et la reproduction de la description de ce genre d'instrument prise dans un catalogue Manufrance du début du 20e siècle.

L'horloger utilisait aussi un compas très spécial dit "aux engrenages". Celui-ci, comme son nom l'indique, permettait de déterminer et reporter la valeur de l'entre axe. Il suffisait de placer les deux pignons devant s'entraîner entre les pointes de l'appareil, de vérifier qu'ils tournaient correctement et les extrémités extérieures donnaient la valeur de l'entre axe. Il existe des modèles de tailles différentes pour chaque type de roues dentées.

 

 

 

Voici un compas pour repérer une cote extérieure ou intérieure avec quart de cercle. Il est de très petite taille (longueur : 5,7 cm). Quand ses deux jambes sont jointes, il offre trois calibres pour comparer le diamètre d'axes de roues dentées.

 

Les horlogers utilisaient un compas de proportion un peu différent du modèle traditionnel que l’on trouvait dans les étuis et boîtes pour mathématiciens comme ceux présentés à la rubrique "Nos compas (3)".

En voici deux exemplaires que possède M. Daniel Toussaint, collectionneur de règles à calcul dont vous pouvez consulter le site : 

http://linealis.org/

 

 

Ceux qui désirent des renseignements complémentaires sur ce type de compas pourront aller à la rubrique "Compas spéciaux" où un article lui est consacré.